lundi 30 avril 2012

Le Piment d'Espelette

 texte de jean-François Rabeux


Espelette

Un piment doux au cœur de l’hiver



Parmi les 2000 variétés de piments à l’inventaire botanique mondiale, la variété "gorria" mérite de retenir tout notre intérêt , car il s'agit du piment d’Espelette au Pays Basque.

 Le piment d'Espelette est le seul piment-épice cultivé et transformé en France métropolitaine, il recèle le goût fruité de la famille des poivrons sans provoquer le feu des autres piments. Son goût et son parfum en font davantage un condiment qu’une épice.


Une plante " retour de voyage" : Cette plante tropicale d'Amérique centrale 
est ramenée au milieu du 17ème siècle par des navigateurs basques. 
Ils introduisent sa culture dans la vallée de la Nive, 
siège du village d'Espelette au pied du Mondarrain, 
montagne au riche passé.


 A une époque ou les épices sont coûteuses,
 elle est adoptée pour rentrer petit à petit 
dans l’univers quotidien du potager basque. 
La poudre du fruit-piment intervient dans les préparations culinaires, 
la charcuterie, et dans l’élaboration d'un chocolat typique à Bayonne, 
qui fut la première ville chocolatière du royaume.

En 1967 fut créé la fête du piment. Depuis elle se déroule tous les ans, organisée par la confrérie du piment, chaque dernier week-end d’octobre, haute en couleur : faites le voyage! A cette même époque, quelques grands chefs étoilés comme Michel Guérard commencent à l'utiliser. Il faudra attendre l’an 2000 pour que les producteurs du Syndicat obtiennent l’aoc (appellation d’origine contrôlé) par un décret officialisant le piment d’Espelette. L’ aoc représente une typicité, un savoir faire, un climat ( chaleur et humidité favorables aux plantes tropicales). Une superficie de 65 hectares étendus sur 10 communes situées dans un amphithéâtre du piémont pyrénéen est consacré à sa culture.

Aujourd’hui, le syndicat compte 93 producteurs ( 1 280 000 pieds plantés )
qui ont conservé une autonomie à taille humaine. 
La culture en plein champs utilise une semence fermière,
 les graines proviennent de la récolte de l'année précédente. 
La germination a lieu début mars et la récolte début août, 
dès que le fruit est rouge. C'est alors qu'intervient le séchage, 
soit à la célèbre mode traditionnelle sur les façades des maisons, 
sous forme de cordes, ou bien un séjour sur clayettes d’au moins 20 jours. Cette opération favorise un développement d’arômes. 
Le fruit est ensuite déshydraté deux jours dans un four à 55°. 
Le piment peut alors être moulu. 
Il est commercialisé sous deux formes,  la corde de fruits 
faite à la main ( 20 minimum par cordes) et sous forme de poudre.
Ces mises sur le  marché ne peuvent intervenir qu’après un agrément par 
l’inao (institut national des appellations d’origine). Pour la poudre, la dégustation contrôle la couleur qui varie du rouge brun au rouge orangé,
les arômes, équilibrés entre le fruité et le grillé, et l’intensité modéré de son piquant : une douce et chaude longueur en bouche. 
L’échelle de Scoville classe en puissance le royaume des piments, 
de 0 pour les poivrons jusqu’à 10 pour le volcanique Habanero du Yucatan, 
en passant par le 8 du Cayenne. 
Le piment d'Espelette est de force tranquille avec 4.

Dans ses préparations les plus typiques comme l’axoa de veau, le boudin tripotxa à base de mouton et de veau, la piperade au jambon ou encore la soupe elzekaria, la cuisine basque utilise le piment en lieu et place du poivre. Ce piment trouve également une application intéressante en pharmacopée.

dimanche 29 avril 2012

    
PEIGNE  DU VENT : 
 Invitation au Voyage


Un texte d'Arnaud Duny-Pétré,  rédigé pour la revue Enbata n°2006 du 6 décembre 2007


 L'oeuvre emblématique du sculpteur Basque Eduardo Chillida dans sa ville Donostia, invite à nous rendre au pied du mont Igeldo. 


"Un chant de force pour les hommes, comme un frémissement du large dans un arbre de fer"... Le Peigne du vent, ensemble de trois sculptures métalliques dont on fête aujourd'hui le trentième anniversaire de l'installation dans la capitale du Gipuzkoa, est devenu une oeuvre emblématique du Pays Basque. Il s'agit d'abord d'un lieu, à l'embouchure de la baie, dans les plis tectoniques de la Concha, un lieu de rencontre entre les hommes et façonné par les éléments. Entre les rochers et la mer, entre le ciel et la terre, entre le vent et l'eau, entre la nature sauvage et la culture de la ville, entre le commencement et la fin. Eduardo Chillida "offre cette sculpture à son peuple" dans cet entre-deux, cet intervalle, cet intermédiaire. Elle est situé à l'extrémité d'une ville, seule réponse connue au foisonnement incontrôlable de l'univers, cité d'une complexité organisée, point d'intersection des forces et des formes,
force dégagée de toutes celles qui lui ont donné naissance et forme.


                                 Chaos des origines


Avec son ami l'architecte Luis Pena Ganchegi, Eduardo Chillida modèle une jetée par un jeu de gradins et de terrasses en granit rose moucheté qui mettent en valeur mouvements et articulations, ruptures et replis de la stratification côtière. Ces marches, ces lignes et ces plans sont ceux de Saint-John Perse, là ou le poète affirma: "Les tragédiennes descendaient des terrasses les bras chargés de roseaux noirs". Elles nous préparent à ce qui va suivre.


En un geste prométhéen, dans un immense chaos des origines, parmi les masses rocheuses balayées par les assauts de l'océan, Eduardo Chillida scelle trois sculptures métalliques d'une dizaine de tonnes chacune. Il les a forgés à Legazpi. Sous la dernière terrasse, il creuse une grotte ou s'engouffrent les vagues. Sept bouches s'ouvrent sous les pas du marcheur. L'air saturé d'eau et de sel jaillit à marée haute et parfois un arc-en-ciel traverse le ciel. Le  pilonnement sourd de la houle fait trembler le sol. Nous entendons le souffle et la pulsation cardiaque d'Eole et de Neptune qui battent à nos pieds.
Dans cet opéra total, se déploie alors le lyrisme du chant premier d'Amers:"Et vous, Mers, qui lisiez dans de plus vastes songes, nous laisserez-vous un soir aux rostres de la ville, parmi la pierre publique et les pampres de bronze ? (...) La mer immense et verte comme une aube à l'orient des hommes, la mer en fête sur ces marches comme une ode de pierre..." Les rostres scellés par Eduardo Chillida, la puissance et l'ampleur du site convoquent ici
les plus grands nom de la pensée, de la poésie. Ils invitent à les lire en ces lieux qui changent du tout au tout, au gré du climat. Par gros temps, ce sera la violence des chants de Maldoror de Lautréamont ou celle de la tempête dans King Lear, quand les vagues se fracassent sur la roche. Au contraire, lors d'une aube à marée basse qui sera celle du matin du monde face à l'inconnu de l'horizon, la pensée des présocratiques grecs, d'Héraclite à Parménide sera présente. Quand la bruine du xirimiri ouate ces lieux, la texture raréfiée mais plus dense des pages d'André du Bouchet aura alors droit de cité. C'est à dire la multiplicité et la force des émotions que génère le travail d'Eduardo Chillida.


L'art vit de contraintes

Le peigne du vent traverse la vie d'Eduardo Chillida de 1952 à 1999 sous la forme de 23 sculptures de différentes dimensions, mais aussi de dessins, de gravures, d'ébauches et de plans. Plusieurs films montrent l'artiste au travail, dessinant dans son atelier ou à la fondation Maeght à Saint-Paul-de-Vence, réalisant sa série de terres chamottées. Mais c'est à la forge industrielle Patricio Echeverria à Legazpi qu'Eduardo Chillida se hisse à la hauteur d'un Héphaïstos de notre temps.
Dans les années 50, il a appris le métier de forgeron chez un artisan de Hernani. Pour réaliser des sculptures métalliques monumentales, il dirige et participe à la manoeuvre, avec une équipe d'ouvriers basques, parmi marteaux pilons, chalumeaux et fours d'une usine. Car notre notre sculpteur ne fait pas exécuter ses oeuvres par d'autres, comme de trop nombreux artistes que la charité chrétienne nous interdit de nommer. Acteur majeur dans sa création, voici un homme face à des problèmes techniques considérables. L'art vit de contraintes et meurt de liberté, il est passionnant de voir Chillida se confronter à ce qui est aussi une prouesse technique. Le peigne du vent sera installé sans possibilité de rectification, il doit résister aux tempêtes et à la corrosion; les rochers supporteront le poids des sculptures sans se briser, celles-ci
doivent donner l'impression d'avoir toujours été là; les rapports d'échelle seront respectés, en proportion et en cohérence avec leur environnement.
Lévitation et forge

Grâce à l'effort et à l'élan ascensionnel, grâce à la lévitation donnée par son créateur, le peigne du vent met en évidence la réalité énigmatique de l'espace environnant, la puissance de ce qui échappe à l'entendement. L'apparence statique de la sculpture est remplacée par une démarche ou l'idée de tension et de combat prévaut. La ligne courbe sillonne avec plus ou moins de concavité, de rigidité ou de flexibilité, l'intégrité de la masse métallique. Et ce n'est point la solide torpeur du rocher qui affronte ici la puissance du vide. C'est la tension de l'arc, le nerf même de l'archer qui se distend à tous les degrés d'un effort gigantesque. "Je ne suis qu'un archer qui tire dans le noir" pourrait dire Eduardo Chillida après Gutave Malher. Ici pas de socle. Les fers de Chillida viennent s'inscrire dans le sol. Ils se donnent comme des nervures ou des herses capables de vibrer sous les masses contraignantes de l'air. L'appui qu'ils sollicitent, la gracilité apparente de leurs membrures, ne sauraient toutefois masquer la force qui les habite. Sculpture rostrale, le peigne du vent auquel demeure attaché quelque chose du vouloir furieux de Cyclopes, serait bien, dans son arc-boutement superbe contre les énergies de la mer, la manifestation la plus grave, la plus joyeuse aussi, du défi porté par Chillida au règne de l'espace. Et le fer qui a hurlé sous la flamme jusqu'à figurer ces hampes dressées dans le ciel, voit les vagues et le vent s'y labourer en longs sillages... Chillida ne bâtit pas un art de piedestal, mais une oeuvre de promontoire. Il lance vers le large l'étrave altière de la volonté.


dimanche 22 avril 2012

Le Savoir Fer Basque, une longue pratique.

Pays de marin, de bergers et de bûcherons, disent les images d'Epinal du Pays Basque. Mais sait-on que c'est aussi un pays de forgerons ?